L'objectif de ce début d'année ne se passait pas dans l'eau ou sur un vélo mais avec des chaussures aux pieds. Le marathon de Séville était coché dans l'agenda depuis un moment car on s'en était fait un objectif commun avec une bonne dizaine de membres de la team GMG.
La date correspondant au début des vacances de février, c'était l'occasion idéale pour aller découvrir cette ville en famille. L'objectif était de passer sous les 2h25, ce qui correspondrait à mon record sur la distance. Avec une prépa sans anicroches, j'ai pu vraiment m'amuser et accumuler pas mal de kilomètres à pied. En passant par une belle derniere compétition test sur la corrida de Magné et un nouveau temps référence de 30'28 sur 10kms.
Un stage de 3 jours avec la team à Bugeat (Corrèze) a permis de faire un gros bloc focus CAP et revenir plus fort mentalement et physiquement. Imaginez les miracles qu'on pourrait faire en 3 semaine de stage là bas (detox numérique comprise par contre! 😅).
Nous y voilà donc, décollage à J-3 pour profiter tranquillement des lieux pour les derniers footing réalisés le frein à main tiré au maximum pour préserver les jambes qui attendent ça depuis 10 jours d'affûtage. Le matin du marathon, le réveil ne sonne pas, et pour cause, je suis réveillé avant qu'il puisse chanter. Je vais au départ en footing tranquille, quelques accélérations et direction le sas -2h45. J'avais peur qu'il soit pris d'assaut très tôt donc j'y rentre 40' à l'avance. J'y voit Julien Mijoin, copain de la team et on se retrouve très à l'aise dans ce sas pas encore surpeuplé.
Top départ sur une grande avenue, peu de bousculades, ça déroule. J'ose parfois lever le pied quand mon groupe s'excite trop près des 3'20/km mais je reviens à chaque fois sur cette première boucle de 10kms tout en gardant mon allure cible autour de 3'25. Le second 10kms va passer aussi vite que le premier. Je veux absolument ne pas être au combat sur cette première moitié de marathon. La gestion me permet aussi d'assouplir ma foulée en augmentant la cadence quand je ressens des petites lourdeurs musculaires qui viennent me saluer vers le 17eme. Je sais que ces petites alertes ne sont que les prémices de ce qui m'attend par la suite. Passage du semi en 1h12, je suis dans les temps, ni large ni trop juste. J'ai le sentiment de pouvoir faire un second semi au moins aussi vite que le premier mais le doute reste dans l'évolution des douleurs aux cuisses qui vont inexorablement augmenter. 25eme, mon groupe "Manon Trapp" accélère trop franchement, je lève donc le pied sans chercher à m'y accrocher car la foulée devient compliquée et saccadée lorsque j'accélère. Musculairement je m'approche du moment de bascule. Celui où je n'aurais plus ma foulée habituelle et où il faudra switcher au mental pour être capable de détruire les cuisses dans le plus grand calme si je veux continuer d'avancer sans baisser pavillon. Melody Julien et son pacer sont en embuscade derrière le groupe "Manon Trapp" et j'en profite pour courir avec eux. L'allure est gérable et on semble rester au contact à 20/30m du groupe qui à repris une allure plus calme après son coup de sang. Autour du 30eme je revois les miens. Les jambes sont dans un état de brasier intérieur mais j'ai la banane de les voir, j'envoie un grand coucou et leur sourit, la journée est belle ☀️. Je reste avec Melody Julien encore quelques kilomètres mais elle montre des signes de faiblesse, je l'encourage par moments tout comme son pacer mais lors d'un ravitaillement elle semble accuser le coup. 35eme, il est temps de prendre mes responsabilités, je ne m'occupe plus de personne, la route est droit devant, je pars en mission. Mission sauvetage surtout car les jambes font ce qu'elles peuvent, je vois que le 3'25/km devient extrêmement compliqué à garder, j'ai l'impression de sprinter avec des jambes qui ont pris 10kgs chacune. L'approche de la ligne passe par le centre et ses rails de tram, le truc le plus horrible pour un mec plus lucide du tout, mais le public massé ici fait du bien pour ne rien lâcher. Les espagnols sont quand même très motivés pour soutenir ce genre d'événement. Après Valence, j'ai adoré cette ambiance à Seville, viva España! Dernier kilomètre, mais où est cette ligne d'arrivée ? Je vois un grand virage au loin et espère de toutes mes forces qu'il ne reste pas 500m après celui-ci, je suis sur un fil tranchant, à chaque foulée je risque que la suivante ne se déclenche pas. Le virage est en fait un méga rond point mais en virant à gauche je vois enfin cette ligne avec l'enchaînement de 3 arches. Bordel! Pourquoi 3 arches, fausse joie de passer sous une arche sans y arriver, il faut bien-sûr aller chercher la dernière, pas trop loin heureusement. Je vois surtout le chrono qui passe tout juste les 2h24 lorsque j'attaque cette ligne d'arrivée. Relâchement intérieur, c'est bon, je l'ai! Ça fera moins de 2h25, quel bonheur d'en finir sous un tel chrono. Ces émotions sont rares, j'en profite. J'ai été au bout de moi même avec des armes forgées depuis des années aux côtés de Guy-Marie, mon coach. J'ai l'impression aujourd'hui de cueillir les fruits du travail mais aussi de mon évolution personnelle dans ce sport. C'est comme tout le monde un hobbie, un style de vie. Le recul que je peux prendre par rapport à ça et grâce à ma petite famille qui me rappelle à notre vie à 4 me permet de profiter et de parfois transformer la rage de vaincre par de la joie de vivre et la chance d'être là où je suis. J'ai appris que tous les vainqueurs ne passent pas la ligne en premier.