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11/06/2018

Alpsman, un mythe en devenir !

posted at 04h50

Après Embrun l’année dernière, l’épreuve de montagne que j’avais cochée se trouvait être l’Alpsman. Cette course tombait bien dans le calendrier à plus de 4 mois de Kona et semblait ravir mes partenaires Time et Compressport qui étaient les deux partenaires principaux de l’épreuve ! Tout était donc aligné pour que je nage dans le lac d’Annecy, que je pose mes roues sur les routes montagneuses de Savoie et que je fasse gouter les pentes du Semnoz à mes chaussures de running .

Passons sur la préparation, celle-ci m’a demandé énormément de sacrifices et d’organisation, ainsi qu’à ma compagne pour jongler entre boulot, sport et nos deux enfants en bas âge. Le plus dur dans cette histoire ne fut pas d’aller faire du sport mais plutôt de gérer tous ces à côtés en restant un maximum présent autant que possible dans des semaines occupées par 37h de boulot et 20/25h de sport. Ma compagne est bien celle sans qui tout ça ne serait possible car elle sait où va nous mener ce projet jusqu’à Hawaii mais elle ne pouvait malheureusement pas venir sur cet Alpsman. Je t’emmènerais faire du pédalo sur le lac d’Annecy un de ces 4 Clémence !

Pour (enfin) vous parler de la course, je vais commencer par le commencement : un embarquement sur le bateau nommé « Libellule » à 4h du matin afin que celui-ci nous emmène au centre du lac pour prendre le départ de la première épreuve de ce triathlon format Ironman, à savoir un peu plus de 3,8kms de natation.

Ma natation se passa bien, je suis chaque année de mieux en mieux dans l’eau et je pense avoir réussi à passer une petite marche encore cette année. Ma nouvelle combinaison Orca 3.8 me procure une liberté de mouvement que je ne trouvais pas avant. En témoignent mes deux premiers triathlons de l’année ou j’ai pu prendre place dans le groupe de tête à chaque fois ! Je sors de l’eau en un peu plus de 54’ de cette natation généreusement mesurée (autour de 3950m aux montres de ceux qui m’entouraient). Je sors 6ème de l’eau ! Ce point faible qui m’obligeait bien souvent à remonter un grand nombre de concurrents au début du vélo est maintenant devenu une source de motivation pour prendre le départ des triathlons avec le plaisir que me procure cette discipline et le bonheur de voir mes temps baisser en bassin comme en eau libre !

***ATTENTION , CE QUI SUIT EST TRES LONG…PRESQUE AUTANT QUE 180KMS DANS LES MONTAGNES***

Après une transition correcte, je m’élance 3ème à vélo. Je reprend rapidement Juliette Benedicto, la première féminine sortie de l’eau 2ème (énorme nageuse !) puis reprend le premier nageur sortie de l’eau aux environs du 10ème kilomètre vélo. A ce moment là je ne m’imagine pas que je croiserais mon prochain concurrent direct dans environ 9h !!! Je monte à mon rythme presque à la Chris Froome, non pas pour les watts développées mais pour le lissage maximal de la puissance développée dans le col. Je me cale exactement à la puissance cible dans le col et les athlètes qui semblaient revenir rapidement de derrière n’ont pas fait la jonction et semblent avoir fait un départ trop rapide pour maintenir l’allure et poursuivre la route avec moi. Je monte donc le premier col qui est le Semnoz en allure très peu soutenue, je ressens même un peu d’endormissement dans cet effort de montée de col, je monte moins vite qu’à l’entrainement mais la route est encore longue, je me répète « Patience, on ne s’enflamme pas ».
Dans la descente du Semnoz, je suis frais, j’ai donc assez d’énergie pour faire la descente « taquet ». Deux motards m’ouvrent la route mais voilà, l’un sait descendre mais pas l’autre ! Heureusement il s’en rend compte assez tôt et me laisse passer pour faire ma descente comme j’aime en restant bien concentré, notamment dans les parties de routes mouillées ou le danger est plus élevé.
Le 2ème col, celui de Plainpalais, est assez facile à gérer car peu pentu et avec une redescente au milieu, sa descente est assez bonne et sur route sèche, on peut se faire plaisir, vient ensuite le col des prés, plus raide que plainpalais mais il ne monte pas très longtemps, seulement 8kms de vraie montée continue. Avec un bon faut plat sur le dernier kilomètre. Mentalement, cela passe beaucoup mieux de savoir que l’effort à gérer durera entre 30 et 40’ pas plus. La descente du col de prés est extrêmement rapide avec de longues lignes droites ou la vitesse devient grisante ! Voilà pour la présentation de cette boucle «Planpalais+Prés » que l’on fera 2 fois. Je me concentre sur mes sensations (bonnes, je respecte assez facilement les watts visées) sans chercher à augmenter les écarts. Malgré cela, quand j’entend que je reprend du temps sur l’arrière, le mental est au mieux même si je sais qu’on en est encore qu’à la moitié de cette longue demi-journée de sport !
Arrêt express au ravito perso pour changer mes 2 bidons et c’est reparti pour les 2 cols Plainpalais puis Prés. Ca va toujours, la puissance est toujours bonne même si les pédales semblent forcer un peu plus après 140kms, j’ai la chance d’être équipé du tout dernier Time Alpe d’Huez (un grand merci à TIME et Eric Boyer !) qui m’aide énormément à monter les cols souple et en relance quand cela est nécessaire. Les pentes les plus raides ne me sont plus des fardeaux à traîner au contraire de mon souvenir de l’Embrunman que j’avais fait avec mon BMC de contre la montre, une erreur que je ne reproduirais pas si je devais le refaire car le confort, la légèreté, la réactivité et la maniabilité d’un Time Alpe d’Huez m’auraient fait gagner énormément de temps le 15 Août 2017 dernier, j’en suis convaincu !
La partie finale de ce parcours vélo est en prise de longs moments avant de replonger les 10 derniers kilomètres vers Saint Jorioz. Une descente qui sonne comme une petite délivrance, on rentre au bercail, on va retrouver la civilisation (eh oui ca fait bien 6h que je suis seul avec mon vélo dans les montagnes), retoucher le sol avec ses pieds et attaquer cette dernière épreuve pleine de mystère afin de savoir comment vont pouvoir me porter ces jambes qui ont souffert durant les 184kms de ce parcours vélo pour m’emmener en haut du Semnoz mais cette fois à pied pour en finir avec ce marathon.

Une fois les pieds au contact du sol, la respiration se coupe quelque peu, il faut gérer un mode de respiration différent. Pourtant les premières foulées sont assez légères, c’est plus le souffle qui peine à venir se réguler au rythme des foulées. L’apaisement du point de coté fait ensuite place aux jambes plus raides, moins souples, les genoux semblent peser une tonne, ils ne montent plus pour allonger la foulée. La guerre interne commence. Courir jusqu’à un point de ravitaillement, boire un verre et se remettre un coup de pied aux fesses pour repartir. Mon but pour ne pas m’arrêter de courir est le km25 qui est nommé le tournant. A ce point, on sonne une cloche si on a la chance que l’heure de la journée ne soit pas supérieure à 17h30. Les heureux élus iront grimper le Semnoz pour terminer ce marathon, les autres resteront au bord du lac pour 2 tours de plus afin de terminer leur marathon. Mon tournant est très suivi car je suis le premier à aller sonner la cloche. A ce kilomètre 25 je n’ai qu’une envie : m’arrêter, boire, manger, m’asseoir. Quitte à y passer 5’ j’ai envie de repartir presque à neuf. Mais voilà, j’arrive au ravitaillement qui se situe 10m avant la cloche du tournant, je sens le public en haleine à l’idée que je sonne cette mythique cloche. Je m’arrête quand même, bois ce qui passe, mange ce qui passe (pas grand chose), m’assois par terre car pas de chaise en vue. Je me relève presque aussitôt, je n’arrive pas à calmer mon esprit pour faire le vide 30’’. Je demande mon sac de ravito perso du tournant pour y prendre un mini Mars (faut que ca reparte) et une compote puis m’approche de la cloche. Je vois Ludo, un des acteurs principaux dans l’organisation de cet événement, il me dit d’en profiter, j’avoue qu’à ce stade d’épuisement, j’ai du mal, mais la fatigue aidant, l’émotion m’envahit. C’est con, ce n’est qu’une cloche qu’on va faire sonner pour monter en haut d’une montagne, mais le public, l’effet mystique de s’attaquer à une montagne bien plus grande que nous et voir ma famille et mon petit Tom me font avoir la gorge serrée. Un bisous à Tom et je pense avoir recouvré mes forces. Mais cette sensation n’est qu’illusoire car une fois le dos tourné au lac, le vide redevient notre compagnon. Je n’ai pas pris l’option d’avoir un accompagnant pour la montée du Semnoz me disant que je n’allais pas faire subir une montée de 17kms à une allure marathon à mon père. Mais il n’est plus question d’allure, il est alors question de courir pour ne pas marcher, puis de marcher pour ne pas s’arrêter. Le réconfort aurait été un atout indéniable mais je ne me pose pas cette question là à cet instant. Je pense surtout à cette vision qui se trouble, à ces yeux qui « sautent ». Plus le choix, il faut prendre son temps si on veut atteindre le sommet. A vouloir aller vite, je peux ne jamais arriver en haut. Je sens ma silhouette parfois vacillante. Un malaise pourrait être fatale à une si belle journée, qu’elle soit victorieuse ou simplement abouti en allant au sommet. Je me dois d’aller au bout en gérant cette jauge d’énergie qui jongle avec la zone rouge. La montée n’a même pas encore démarrée que je marche sur une simple route légèrement montante. Je recours au profit d’une redescente et me dis alors que ma stratégie va être ainsi, monter en rythme de marche la plus rapide possible et courir en foulée légère sur les parties plus planes et de descente. Mais voilà que mes foulées provoquent un brassage de bide qui pousse des spasmes qui s’atténuent en marchant lorsque les chocs ne sont plus présents. Premier ravitaillement de la montée, les bénévoles sont compatissants, je dois avoir une sale tête, ils sont pleins de bienveillance envers moi, je capte un mot sur 2 mais ressent un grand respect pour notre effort, ça fait chaud au cœur. Je repars en légère foulée, comme pour les remercier de m’avoir insuffler un brin de courage par leurs encouragements.
Je sais depuis le tournant que je ne serais pas le premier à franchir la ligne en haut du Semnoz. J’avance non pas pour ne pas perdre de temps sur l’arrière mais pour me rapprocher de la fin. Je n’ai pas cet esprit conquérant de vaincre les autres, j’ai simplement l’envie de me battre contre cette montagne. Relever le défi qu’elle m’impose de la gravir avec des cuisses en béton armé, un ventre fragilisé par la durée de l’effort et des mollets qui arrivent à cramper jusqu’à la base des chevilles en simple marche rapide dans les pierriers. Je ne pense à rien d’autre que ne pas glisser sur les pierres, passer au mieux la boue ou je laisserais quand même ma chaussure à deux reprise, les racines pour éviter de partir à la faute et tous les pièges que peuvent offrir le terrain de jeu des traileurs (truc que je n’ai jamais fait mais ca serait à tester sans nager ni rouler avant !).
A environ 7kms du sommet je vois enfin mes proches. Mon père semble ne pas imaginer dans quel état je suis et il me dit de courir, je lui lance que je n’ai pas la possibilité de faire plus. C’est dans ces moments que j’imagine s’il avait été à mes côtés dès le bas, il aurait pu juger de mon état mais aurait aussi trouver des leviers pour faire oublier la douleur à mon cerveau et me concentrer sur les infos de la course, retrouver de l’espoir et un bon côté à cet effort qui me semble tellement inutile à ce moment. Effort qui me semble idiot. Oui idiot de pousser autant son corps dans l’effort alors qu’on est dans un état qui nous empêcherait presque de se lever pour aller travailler. Ces pensées négatives sont de plus en plus difficiles à chasser seul. Je me laisse autoguider par les banderoles « Alpsman » qui jalonnent très bien le parcours pour éviter les fausses routes. Je prend presque mon temps, non pas de regarder le paysage, je n’ai plus le goût à regarder autour de moi, mais le temps de m’appliquer à monter, me concentrer à vaincre ces pentes abruptes et même m’arrêter par 3 fois pour soulager ce ventre qui m’oblige à l’arrêt à chaque spasme. Le dernier arrêt de ce genre sera à moins de 2kms de l’arrivée. Si proche du but, je n’ai plus la notion de « course ». Je sais que je finirais et je continue ma marche en avant. J’entend au loin des voix derrière moi, 3 hommes, je me demande pourquoi tant de monde si c’est le 3ème qui rentre, un seul accompagnant étant autorisé. Ca m’affole, je me dit qu’ils sont peut-être 2 à la bagarre à rentrer sur moi et au point où j’en suis, je ne veux plus dégringoler du podium à un kilomètre de l’arrivée. Cédric Jacquot me rattrape accompagné de 2 personnes qui ne sont pas dans la course (un accompagnant et un autre gars), tant mieux pour moi je reste sur la boîte. Je l’encourage et lui demande où est le 4ème, sa réponse « à 2’ » ne me fait pas du tout plaisir. Je réfléchit 30" avec le peu de sang qui vient irriguer mon cerveau et me dit qu’il me reste assez long en temps pour me faire rattraper si je ne cours pas. Mon corps n’en peut plus mais le mental prend le dessus, je regarde Cédric Jacquot trottiner et comme un robot, j’exécute le même mouvement que lui. Ca me semble presque normal de le suivre, ça semble ne pas lui faire plaisir car il se retourne un peu mais j’ai presque envie de lui crier de ne pas s’inquiéter, je resterais derrière, c’est à ce moment là plus un allier qu’un adversaire. 2 ou 3, peut m’importe. J’ai trouvé mon accompagnant dans ce dernier kilomètre en la personne de ce concurrent. Quel bien ça m’a fait, ça ne fut pas plus facile, certes, mais bien plus efficace pour terminer l’ascension. Au bout de cette dernière longue prairie, je marche dans un « bain de boue » et ma chaussure s’englue au fond, mon pied gauche sortant uniquement en chaussette. Je me demande si je monte jusqu’en haut comme ça ou si je prend le temps de la remettre puis demi-tour, on ne vas pas faire n’importe quoi, finissons en chaussure ! La dernière rampe est abrupte au possible. J’ai Cédric juste devant avec les petites secondes qu’il m’a prises dans cet arrêt incongru, mais je vois surtout la ligne et le 4ème encore tout au loin dans le contrebas. C’est bon, je suis 3ème, mon craquage fut assez bien géré pour terminer en haut, en moins de 12h et qui plus est sur le podium. J’aurais pu mieux faire durant la montée peut-être avec une gestion différente mais un effort aussi long ne s’apprivoise pas du premier coup avec des allures « idéales » auxquelles on a pensées tranquillement chez soi. Les détails comptent et l’expérience est souvent gage de meilleure performance ici.

Cette Alpsman Xtreme Triathlon est donc une aventure à vivre à bout de souffle. Pour faire le comparatif avec Embrun que j’ai pu faire l’an dernier je dirais qu’Embrun est magnifié par des athlètes souvent prestigieux au départ tandis que l’Alpsman magnifie ses athlètes.

 


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