Pour terminer le menu gargantuesque de cette année montagneuse, j’avais au programme pas moins de 3 triathlons (très) vallonnés avec le Triathlon des Pyrénées, celui de l’Alpe d’huez avant de finir à l’Embrunman.
J’accrochais la victoire sur le très chouette tri des Pyrénées en guise de remise en route post Alpsman. Je me suis alors élancé sur le triathlon de l’Alpe d’Huez assez confiant et en ayant dans la tête qu’il me servirait de préparer l’Embrunman sans que cet avant dernier triathlon ne soit une finalité en soit. Le bilan fut beaucoup plus mitigé avec une natation très moyenne, un vélo plutôt bien géré mais sans plus et une course à pied là encore moyenne, “moyen-bien” je dirais qui me positionnait à la 21ème place. Pas un signe de grande forme sur cette course qui ne pardonne pas car d’un niveau très relevé avec de nombreux professionnels spécialistes et habitués à cette épreuve.
C’est donc gonflé de motivation que je me lançais dans la préparation montagneuse de l’Embrunman en restant en vacances familiales à côté de Briançon. J’alternais donc les sorties vélo avec les randos, les courses à pied avec les natations accompagnés accompagné de ma petite famille. Le coup de pédale de montagne devenait meilleur et me rassurait en vue de l’Embrunman. Une alerte à la cheville s’est faite sentir à 10 jours de la course. Ce qui n’est jamais très rassurant mais il est compliqué de savoir si c’est une alerte totalement physique ou si le corps se tendant à l’approche de l’événement nous joue des tours. J’ai donc réduit les sorties CAP et n’ai pas pu réellement terminer les séances sur ces 10 derniers jours. Normalement rien de grave si le jour J la douleur ne se faisait pas ressentir.
Le jour J justement, nous y voilà. Jeudi 15 Août, 6h, je suis placé en première ligne à attendre le coup de pistolet du départ. Je ne pense plus à 10’ avant, lorsque j’avais envie d’aller aux toilettes mais que celles-ci étant trop peu nombreuses dans le parc à vélo et avec interdiction de sortir du parc (on semblait être en prison), je n’ai pas pu satisfaire mon besoin naturel. Après avoir fait appel à ma mémoire, j’ai le souvenir qu’en 2017 la situation avait été la même, une envie dans la dernière heure avant le départ et l'impossibilité d’aller aux toilettes si je voulais prendre le départ à l’heure et surtout sans partir au fond de ce peloton de 1000 concurrents. Vous l’aurez compris, à Embrun, la course semble être la reine et les concurrents n’en sont que des sujets qui doivent subir ses spécificités et habitudes vieilles de 40 ans qui n’ont pas ou très peu évoluées…
Départ : c’est parti pour 3.8kms de natation avec le premier quart d’heure dans le noir. Ca tombe bien il n’y a rien à voir, juste se déplacer jusqu’aux bouées 1,2,3,4,5,6,7 et 8 qui jalonnent le tour à parcourir 2 fois sur ce plan d’eau d’Embrun. Je ne suis pas réellement gêné, j’arrive à vite poser ma nage mais j’ai le sentiment qu’il y a du monde devant quand même. Pas manqué, je sortirais autour de la 30ème place. C’est correct quand même car j’ai parcouru ces 3800m en 55’. Sortie de l’eau rapide, je prends cette fois le temps de mettre des chaussettes Triloop dans lesquelles je me sens bien, c’est important car je vais passer le reste de la journée dans celles-ci!
Départ vélo : pris à la gorge d’entrée avec une montée de 6kms jusqu’à Puy Sanières. C’est là que nous logions depuis 2 semaines et je sais que mes proches m’y attendent pour m’encourager. Je gère cette première montée, ce qui n’est pas le cas de tout le monde car je me fais déposer par certains imprudents ou simplement plus forts. La route est longue et ce que j’apprécie sur cette course c’est d’être seul au monde, dans ma bulle, sur ces routes magnifiques. Je passe devant notre logement, fait un coucou de loin pour leur signaler que j’arrive, ils sont déchaînés et j’ai envie de leur renvoyer leur énergie. S’ensuit cette première boucle de 40kms pour revenir à côté du plan d’eau puis repartir vers l’Izoard. Mais avant cet Izoard, la vallée du Guil que nous devons remonter est compliquée à gérer. Un long faux plat montant qui pourrait se monter en force pour gagner du temps…qui serait ensuite perdu dans l’Izoard si on s’y est mis les jambes en croix. je tente de gérer tout en gardant du rythme en espérant que le pied de l’Izoard arrive au plus vite. Le pied de l’Izoard est lui aussi spécial car une suite de petites montées/descentes qui ne permettent pas de démarrer un effort de seuil constant. Quand arrive enfin Arvieux, on y est enfin. Le cerveau peut enfin être débranché et la concentration sur mon effort prend le dessus. J’affectionne cet effort, je reprends même des concurrents ce qui booste le mental. J’aurais fait une bonne montée de cet Izoard, un beau combat sans toutefois être au bout de mes forces à aucun moment. Arrivé en haut j’entends mes proches et amis donner de la voix. C’est la délivrance, la reconnexion avec le monde Petit stop pour récupérer bidons et ravitos et c’est parti pour se jeter dans cette descente rapide mais technique en son début. Le suite se fait correctement avec le passage à Briançon, puis la côte de Pallon toujours aussi raide et enfin le retour sur Embrun. Mais voilà, arrivé à Embrun on ne rentre pas directement au parc, direction Chalvet et sa côté de 6kms qui surplombe la ville avant de redescendre vers T2. Je sens dans cette côte que les jambes ne sont plus fraîches du tout. Je n’arrive plus à prendre un rythme et la puissance qui me convient. Je monte comme je peux puis redescend rapidement, assez pour reprendre Victor Lemasson qui m’avait pourtant déposé quelques kilomètres plus tôt dans la bosse.
La course à pied : je pars en me disant deux choses. La première est “si je ne peux pas courir, je ne serais pas vexé, j’ai un peu mal aux jambes”. La seconde, plus positive “Plus qu’un grand footing sans mettre trop de vitesse et tu seras finisher, j’espère que le corps tiendra”. Les premiers pas me font positiver. Je peux dérouler la foulée, je fais attention à bien rester souple, j’évite de partir trop vite mais suite autour de 4’15/km, allure que je sens pouvoir tenir très longtemps dans ces conditions. Mais voilà qu’au bout de 8kms, mon ventre me rappelle que j’ai transporté avec moi un supplément depuis plus de 7h et les chocs répétitifs au sol ne lui plaisent pas. Je m'arrête donc en urgence puis repars de plus belle, bien plus à l’aise. Fin du 1er tour, je suis en promenade à 4’15/km, tout va bien. Pourtant l’énergie commence à se mettre en mode ON/OFF. J’ai besoin de m’arrêter quelque temps au ravito pour marcher, le ventre commence à me tordre en deux et me crisper. A partir de ce moment-là, la course n’est plus qu’un long chemin de croix pour rallier l’arrivée. Je me répète que si je termine c’est déjà bien alors que je ne me voyais pas courir un tour avec ma douleur à la cheville les jours avant la course.
Je termine donc pour mes proches, pour moi, pour boucler la saison de montagne sur autre chose qu’un DNF et en pensant à mes fils qui auraient été terriblement déçus de ne pas me voir terminer.
Pour les triathlètes, allez à Embrun pour les paysages magnifiques mais n’y allez pas pour le confort et le partage avec vos proches avant la course car vous êtes parqués sans pouvoir ne serait-ce que sortir du parc à vélo.
Pour les spectateurs, allez à Embrun pour l’ambiance générale et les paysages magnifiques mais n’y aller pas pour le partage d’avant course ET SURTOUT S’IL VOUS PLAÎT : n’y allez pas pour suivre votre coureur, le doubler puis vous garer 50 fois sur le parcours vélo pour l’encourager ou lui donner de l’eau. Ni pour courir à côté de lui pour lui donner de l’allant. A la limite prenez un dossard et faites tout le parcours avec lui… J’en ai tellement vu. Ces gens ne comprennent pas ce qu’est un Ironman. On ne tient pas la main à son athlète pour qu’il aille au bout, on l’encourage à l’occasion mais c’est SON AFFAIRE, SON COMBAT. L’assistance extérieure n’est pas autorisée et devrait être bien plus contrôlée. Mais le MYTHE ferme les yeux sur bien des choses à ne regarder que son nombril.