Deux semaines après le Frenchman XXL j’avais promis aux 6Garillos de venir filer un coup de main sur le T24 ile de Ré. Je les avais prévenus : “J’irais cool”, “Je ne sais pas si je pourrais beaucoup courir 2 semaines après un Ironman” et autres excuses d’avance pour expliquer que je ne serais pas à plein régime. D’un autre côté, j’avais vendu ce T24 comme une remise en route tranquille avec seulement 1h de natation, 2h de vélo et 1h de course à pied sur 2 jours. Nous étions en équipe de 6 donc statistiquement c’était 4h de sport chacun. Ca passait large et surtout, j’en étais sûr, on allait bien s’amuser avec une team de guerriers prêts à tout donner sans se prendre la tête.
La préparation de ce T24 ile de Ré consistait principalement pour moi à prendre en note les règles de la course et aider à réfléchir à la stratégie à mettre en place, job pour lequel je laissais le lead à notre cerveau mathématicien mais également écraseur de pédale, j’ai nommé le grand LOIC! La logistique sur place a été gérée de main de maître par Félix, Eric et Nicolas. Vous l’aurez compris, moi et Louis, les deux derniers nommés de l’équipe, nous jouions sur notre plus jeune âge pour venir presque les doigts de pied en éventail! Le petit plus appris durant la préparation est que nous allions faire ce T24 pour deux associations soutenant les femmes atteintes du Cancer : Les Prinseinses et Sinoo.Et que les présidentes de chacune des ces associations seraient présentes les 3 et 4 Juin pour nous soutenir!Supplément d’âme, motivation, appelez ça comme vous voulez mais le “J'irais cool” commençait à devenir un “Je vais faire au mieux avec les jambes du moment”.
Veille de course, je me rend sur place, au bout de l’île de Ré. Endroit magnifique à deux pas d’où j’ai passé de nombreux étés durant ma plus tendre enfance, en famille, parfois avec oncles et tantes, des souvenirs gravés qui remontent à la surface et font du bien. Je retrouve les 5 autres 6Garillos (nom de notre équipe) et une équipe niortaise composée de copains du SNT et d’amis. Tous non, Loïc a décidé de passer le weekend sans nous et je ne ferais que le croiser ce vendredi soir!!!
Lendemain matin, la course ne démarrant qu’à 15h on fait un petit tour du circuit vélo, reco du segment de 800m qu’on devra faire à bloc pour tenter de récupérer les 10 points bonus accordés au meilleur temps mais aussi point de vigilance sur les parties plus cabossées en ville car 1h de vélo dont une partie en nuit peuvent être dangereux et qui veut aller loin doit ménager sa monture. 15h approchant, après un briefing rapide on se mobilise et direction la plage, le mode course s’active peu à peu. J’apprends que les équipes de 6 partent 3’ après les individuels, ok donc le T24 se transforme finalement en T23h57! Je fais les 2 premiers tours, je pars à fond pensant claquer mon meilleur tour sur ce premier tour mais je suis très vite dans la masse des nageurs partis devant et ce premier tour se transforme en combat pour dépasser tous les concurrents devant moi. J’en double un maximum pour pouvoir faire mon second tour sans être gêné et tenter de faire ce segment natation au plus vite. Je raterais les points bonus de ce segment face à un très bon nageur, pas de regret c’était plus fort en face. Mais l’équipe marche bien, la natation n’est pas notre point fort mais on arrive à se positionner aux avants poste, place au vélo.
Partie vélo, nous avons 12h devant nous. La stratégie était de faire partir les 3 plus fort à vélo pour creuser les écarts sur le circuit de jour qui est plus grand que celui de nuit, et surtout sur le circuit sur lequel se trouve le segment vélo apportant les points bonus. Loïc nous offre un très gros vélo, c’est alors mon tour. Je ne sens pas énormément de puissance dans mes jambes, l’effort sera d’une heure seulement et j’ai du mal à faire monter les watts d’un moteur que j’ai bridé volontairement pour l’Ironman gagné deux semaines plus tôt. Arrivé sur le segment, puissance ou pas j’appui le plus fort possible, lance même le vélo sur la ligne, j’aurais ce segment au nez et à la barbe du grand Loïc dans la même seconde, le jeté de vélo aura fait la différence! Louis en remet une couche et nou repassons tous les 3 une seconde fois avant de passer le relais à notre équipe de nuit, nos courageux nocturnes nous laissent dormir un peu pour que nous attaquions à pied dès 7h le lendemain matin. La nuit c’est l’inconnue, je vais me coucher en me disant qu’on a vraiment bien entamé ce T24 mais en sachant qu’il peut tout arriver la nuit donc en m’attendant à un coup de trafalgar pour ne pas être déçu au réveil et ne pas être trop exigeant avec mes compagnons dont c’est la première expérience du triple effort pour l’un d’entre eux.
Réveil 6h le dimanche matin. Premier coup d’oeil sur l’appli T24, nuit ENORME des trois 6Garillos qui ont assuré comme des bêtes et nous ont laissé dans le coup et en tête du classement. Cette équipe a quelque chose en plus. Sans s’en parler on est tous là pour s’amuser mais la gagne en vue chacun décuple ses forces pour garder ce petit 1 au classement à côté de notre nom.Je pars m’échauffer à pied et intervertit mon relais avec Loïc, la chaleur étant présente je vais tenter le segment à pied sur mon premier relais et donc devrait partir sur un chrono de 7kms à fond pour commencer ma journée. J’ai le temps de m’échauffer, comme si je partais sur un 10kms, accélérations, retour au calme et c’est mon tour. Le parcours à pied est compliqué, après un premier kilomètre et demi géré en un peu moins de 3’20/km j’arrive dans la partie sablonneuse puis des petites montées, descentes, graviers puis chemins dans le marais. Ce n’est clairement pas propice à courir vite mais je m’applique autant que je peux, termine vite sur la dernière partie de route, le segment est dans la poche! Nous sommes bien partis, des équipes plus stratèges nous talonnent mais l’ambiance est encore sereine. Les amis de chacuns commencent à arriver, ça nous fait du bien autant de soutien. Ils viennent vivre l’événement de l’intérieur aussi, sentir l’adrénaline ou l’épuisement de chacun à son arrivé et aussi un peu la sueur, désolé…Nous subissons un coup de moins bien à la moitié des 8h de course à pied sur une erreur tactique de notre part. Je ferais bien mes 3 relais de 7 kms prévus (oui j’ai un peu débordé des 1h de CAP avancés au début) mais garderais un potentiel 4ème relais derrière la tête, la seconde équipe nous talonnant il faudra jouer tactique s’ils se rapprochent trop ou s’ils viennent à nous doubler dans le dernier relais pour éviter qu’ils ne partent sur un tour de plus que nous ce qui signifierait que nous perdrions notre duel. A ce moment-là, et c’est ce que je préfère, l’esprit d’équipe prend le dessus. Il n’y a plus d’autre alternative pour moi que de porter l’équipe vers la victoire, tout le monde a fait le job et c’est à mon tour de mettre la balle au fond. Je vois Félix arriver avant le relayeur de l’équipe adverse, c’est gagner! Je peux dérouler ce dernier tour en regardant dans le rétroviseur si notre adversaire direct revient sur mes talons. Je n’aurais alors qu’à le suivre pour finir avec lui, sachant que nous n’aurons pas le temps de repartir sur un dernier tour vu le temps restant. Je gère ce dernier tour mais essaye quand même de ne pas trop faire attendre les copains à l’arrivée. Je les imagine heureux, je fais ce dernier tour avec un sourire qui ne me quitte pas, ON L’A FAIT. Ce qui devait être “un défi entre copains” s’est transformé en un “coup d’essai, coup de maître”. Tout le monde est là pour l’arrivée, l'émotion est présente, les embrassades pleuvent, comme quelques larmes sur les joues de certains et certaines. Le temps n’a plus de valeur, l’horloge tourne mais il semble figé, on reste là heureux. On se raconte notre petite frayeur évacuée, on partage ce moment avec les présidentes des 2 asso pour qui nous avons fait ça et qui ne savent pas encore que nous leur offrirons un chèque à chacune en les faisant monter sur le podium. Les amis et familles sont là également, nous étions 6 mais avons gagné à 20 ou 30! Je vous le dit, sur ce T24 Ile de Ré l’aventure n’était pas que sportive, quand l’humain est en mouvement au pour un collectif il est plus fort et les barrières que l’on se fixerait en individuel sautent pour le collectif.