Arrivé jeudi, soit à J-3 de l’Ironman, j’étais serein sur la capacité d’Air France à faire suivre mon vélo dans l’avion. Mais si nous voulions pouvoir profiter la semaine qui suivait l'événement, partir au plus tard était la meilleure option. Arrivé à Montreal et après une très longue attente (vol complet, je vous laisse imaginer la tonne de bagages qui circulait) j’ai retrouvé tout mon matériel. Mont Tremblant, “nous v’la”!
J-2, pas grand chose à faire, une petite natation en famille, un petit tour de vélo pour aller chercher le dossard, le briefing Pro et un petit tour dans mon tremblant. J’aurais quand même expérimenté une des plus chères natations de ma vie! Je vous explique:
La très gentille (ils sont tous gentils ici) hôtesse de caisse nous a demandé si on avait “des caps de bains”?
“Euh oui on a des serviettes, mais des caps de bain”
Elle redit “Des caps de bains” en montrant sa tête
“Ah ok des bonnets, non pas sur nous, j’en ai à peu près 378 à la maison mais pas ici”
“D’accord, c’est obligatoire, je vous en vend 4?”
“Ok”
Les enfants essayent pour savoir quelle taille, etc…ça vous fera 60$.
“OUCH, ça pique pour une heure dans l’eau!!!”
On dira que l’expérience a été bonne au moins, la piscine était cool, les enfants se sont bien amusés et Clémence a pu nager un peu. Dans ces moments où on se fait un peu avoir on a tendance à se dire “Cool, c’est les vacances!” non?
S’ensuit un vélo durant lequel je reconnais la boucle finale à parcourir 2 fois durant l’IM. Cette boucle s’appelle “Chemin Duplessis”, les canadiens qui aiment donner des noms originaux auraient très bien pu l’appeler “La route des toboggans” ou “le tape-cul”! On y alterne des portions de montées raides entre 10 et 15% avec des descentes rapides et ce durant 10kms (à l’aller) puis demi-tour au bout pour reprendre cette même route: rebelote. Je ne vais pas vous cacher que je préfère ce genre de route aux autoroutes toutes plates de Salou mais il va falloir être sage pour ne pas y laisser trop de plumes dans ces montagnes russes dimanche! Briefing PRO en anglais, rien de spécial, un peu d’humour canadiens, c’est détendu et j’y retrouve Romain Guillaume, autre pro français engagé. On fait connaissance, on discute, il est super sympa. Très heureux d’avoir pu le rencontrer, simple et abordable. Il a gagné ici il y a 10 ans et a participé 6 fois au IM Mont Tremblant! Moi je n’en suis qu’à ma première participation ici mais le lieu m’est familier pour y être venu il y a 8 ans en amoureux avec Clémence avant que le tourbillon des naissance ne nous envoie 2 petits mecs pleins d’énergie et en bonne santé (auto persuasion qu’ils sont mignons malgré le fait qu’ils nous usent!!!).
Bon on avance? J-1? Vous sentez qu’il va être long ce CR non? Veille de course rapidement alors : footing sur le “petit train du Nord”, la piste cyclable interminable du coin. Dépose du vélo, retour en bus et glandouillage tout l’aprem.
Jour J, on y est! Levé 3h35 pour départ 6h35. Gatosport avalé (merci Yannick et Mat’ pour les conseils, le goût Caramel Beurre salé est trop bon), bananes, thé, go! Check du vélo déposé la veille, j’y met la bouffe du jour, tout est ok. Eau à 22.0°C, combi interdite pour les pros, les groupes d'âges pourront quant à eux nager bien au chaud et bien flotter. Je me fais violence pour aller m’échauffer dans l’eau en swimskin malgré qu’il ne fasse pas chaud. Dans l’eau ça va elle est fraîche mais je me dit qu’on va se réchauffer. Je ressors de l’eau et là ça pique! Je tremble de tout mon corps, le kway de mon père évite que j’ai encore plus froid mais j’ai froid! Je l’enlève à 5’ du départ, j’ai froid. Puis je n’y pense plus, je n’attends qu’une chose, PARTIR.
Coup de canon, feu d’artifice apparemment (moi j’ai entendu le coup de canon puis le “bloobloobloobloob” du départ quand on est dans l’eau. Je me place pas trop mal, je me fais chahuter mais j’ai toujours des pieds. J’avance mais les pieds devant ne vont pas droit, j’ai du mal à fixer la trajectoire. Je force un peu, vois que c’est compliqué de tourner les bras et sens une douleur monter dans ma tête, au niveau des cervicales. Violent mal de tête alors qu’on n’a pas fait la moitié de la natation. Je me résigne à prendre mon rythme en solo avec ce mal de tête qui m’empêche d’être au taquet. Le froid m’a sans doute provoqué cette douleur style début de méningite. Le but est alors de sortir de l’eau du mieux que je peux en m’appliquant comme je peux. Je sors de l’eau en 1h, c’est pas beau à voir mais en swimskin en étant planté dans l’eau je prends et rien ne peut gâcher ma journée à Mont Tremblant, j’ai la volonté d’en profiter un max.
Je cours vers mon vélo en mode Mr Freeze, monte dessus et appuie sur les pédales, je ne sens pas mes jambes glaçons mais les watts montent normalement, cool. Il se met à pleuvoir sur ce départ vélo et là j’ai très très froid. Si ça continue tout le vélo comme ça je ne suis pas sûr de pouvoir terminer, clairement je sens que je n’ai pas ce qu’il faut pour résister dans le froid. Heureusement, la pluie cesse vite, nous prenons des routes dégagées mais il fait bon et la température va remonter. Je profite même d’une petite ondée avec une température convenable pour me dire que “je suis bien ici, c’est agréable l’humidité chaude”. Arrive la fin du premier tour et le Chemin Duplessis que j’ai renommé “Route des toboggan”. Je m’amuse bien avant de me rappeler qu’il va falloir être plus sage car il reste encore un tour après ça! Et justement, après ce chemin j’ai un bon coup de moins bien sur le début de la première boucle. La puissance ne monte plus facilement, je rentre dans le dur. Mode “Accroches toi” activé. Malgré ce coup de mou, je reprends des concurrents, la chaleur qui est maintenant assez élevée doit faire des dégâts. Je reste focus sur mon effort sans me décourager, la journée est longue et on sait d’avance que des hauts et des bas peuvent se succéder durant ces 8 à 9h de course (ou plus si explosion prématurée!). Retour sur Mont Tremblant, le second passage sur le chemin Duplessis est, comme je m‘y attendais, un peu plus compliqué que le premier mais paradoxalement j’apprécie ces changements de rythme réguliers qui font du bien à la tête, un peu moins aux jambes. Je termine ce vélo bien entamé quand même, ce parcours laisse des traces qu’on le veuille ou non. Il reste encore à aller courir le marathon vallonné qui m’attend.
A la dépose du vélo je trottine difficilement, le pied gauche semble bloqué, je suis coincé de partout, merci les 180kms de bike! Un peu moins de 2’ à T2 qui me permettent quand même de changer les jambes de cycliste en coureur car je pars bien, sur un rythme cool mais autour de 4’15/km. Le parcours commence direct par une accumulation de montées et de descentes, style chemin Duplessis mais à pied! Je regarde peu la montre, je gère sur l’allure ressentie qui dit : “tu peux courir comme ça pendant longtemps”. Je suis alors en aisance et profite du public et des bénévoles. Je sais que si je veux bien courir, le premier semi doit passer comme une formalité sans être déjà dans une forme de bagarre contre moi-même. Je déroule bien, j’attend gentiment le retour sur Mont Tremblant. Je m’enflamme un peu en passant devant la foule massée dans le centre et ma famille, quel pied! Mais à partir de ce semi, mon pied gauche me lance comme si on m’avait planté une pointe sur le dessus du pied. Les descentes ont dû taper un peu trop et déclencher cette douleur, ou bien le serrage de mes chaussures n’est pas optimal et compresse un peu cette partie. C’est de pire en pire, je m’arrête une fois, deux fois, trois fois en remettant la languette et en desserrant le laçage. Je suis dégouté car j’ai les jambes encore fraîches, je pourrais envoyer sans soucis. Au lieu de celà, je dois danser en souplesse sur mon pied gauche pour éviter d’aggraver le phénomène. J’avance en espérant pouvoir aller au bout sans devoir m’arrêter complètement, histoire de sauver le principal. Au 30ème km, je prends la précaution de faire un stop WC d’1’. Puis dernier demi-tour, maintenant c’est direction le Mont Tremblant et sa finish line! Mes péripéties m’ont quelque peu éloigné de mon plan nutritionnel, je m’en rend compte et prends une gomme énergétique mais le mal semble être fait. J’ai un coup de bambou assez costaud au 32ème. Encore 10kms, je dois m’accrocher, repousser un peu ce mur et passer en mode économie d’énergie. Ce mode il est simple respirer, adopter une foulée propre et ne plus calculer autre chose. Je suis tellement dans ce combat intérieur que j’en oublie quasiment la douleur au pied…mais elle est toujours bien là. Les moments de marche pour boire aux ravitaillements sont de plus en plus longs mais j’avance. Je vois Mont Tremblant, la montée “Red Bull” puis le dernier kilomètre m’emmènent gentiment vers la finish line. J’aurais remonté encore quelques places pour terminer 14ème. Un top 15 ici, c’est cool. J’aurais pu espérer mieux dans un très grand jour sans accrocs mais je prends avec plaisir ce top 14, suis content d’avoir été au bout et de la façon dont j’ai pu me battre avec envie et la volonté farouche de ne pas sortir de ma course pour tourner la page de l’IM de Nice.
En conclusion, l’IM Mont Tremblant est un des plus beaux IM que j’ai eu l’occasion de faire, parcours magnifique, exigeant. Une ambiance de dingue avec une ferveur locale bien présente. Une culture du spectacle et de l’évènement qui est remarquable pour cette petite ville de moins de 10 000 habitants.
Ici les vacances continuent, suite à l’Ironman le thème étant de voir du pays. Le Canada est magnifique et nous profitons de cette petite coupure post Ironman pour lâcher grandement le régime sportif (je vous conseille de gouter des queues de Castor!), le rythme sportif et relâcher la pression avant la rentrée et une reprise du sport en Septembre! :)