Pour bien terminer cette année de triathlon, je me suis lancé dans un défi un peu fou : enchaîner l’Half Alpsman et le Frenchman XXL en 7 jours d’intervalle. Je me sentais prêt à relever le défi malgré un mollet un peu raide après le Vautourman qui m’aura fait douter 2 jours tout au plus grâce aux soins de mon kiné Thomas d'Adaptsport! Il est au top et m'a ptet bien sauvé mon mois de Septembre ! Merci!
L’Half Alpsman tout d’abord. Une épreuve que je connais mais sur un format inédit cette année : 2 kms natation, 100 kms vélo et une montée sèche du Semnoz à pied (16kms pour 1300m de dénivelé positif). Le départ en “Beach Start” se transforme en départ les pied dans l’eau jusqu’aux genoux. Les triathlètes survoltés et impatients avancent tout doucement en attendant le coup de sifflet de la délivrance. Une fois lancés c’est tout droit jusqu’à la première bouée placée à 250 m, il ne faut pas traîner pour éviter le match de boxe assuré au premier virage! J’arrive à partir en solo à la même vitesse que la tête du groupe qui part sur ma gauche. La première bouée se passe donc bien, je pose ma nage lorsque les 3 devant moi sont partis. Je me dis au bout d’environ 1000m que “c’est bien trop calme, je commence à m’embêter, l’Ironman de samedi prochain va être long dans l’eau car il y aura le double". S'ensuit une natation “paisible” que je boucle en 27’ en 4ème position.
À vélo je remonte très vite en première position, c’est parti pour 100km dans les montagnes. Le col de Leschaux et le col de Plainpalais sont peu pentus, ça passe donc gros plateaux. Le col des prés, 3ème et dernier col de la journée est quant à lui plus sévère. Je sais qu’il se termine par des pentes raides sur les 3 derniers kilomètres et là le petit plateau sera de rigueur. Au final le plus dur aura été le long retour vers saint Jorioz, toujours en prise, jamais de réelle montée, jamais de descente pour récupérer non plus. Un bon casse-pattes après les 3 cols du jour. Je pose le vélo avec 5’ d’avance sans crier victoire car je sais que cette montée finale sera décisive et tellement dure.
mais les sensations sont très bonnes à la descente du vélo, la foulée est propre et légère, je suis prêt à me battre contre cette montagne qui se dresse devant moi.
Les kilomètres défilent lentement sur cette montée, je gère au mieux en alternant course puis marche quand je sens que le cœur commence à trop taper ou que je n’avance plus assez pour être efficace en courant. Je passe l’endroit de cette montée qui est gravé dans ma mémoire, là où l’avait dépassé le vainqueur de l’Alpsman 2018 alors que j’était en tête.Je me dis qu’aujourd’hui il n’y a personne, c’est bon signe. Et j’arrive à courir sur des portions où je marchais à l’époque. Arrive la partie la plus dure, le pierrier, raide, impossible d’y courir. J’appuie donc sur mes jambes à fond pour rester énergique. Le cœur tape même en marchant, je me dis que c’est bon signe, que je suis en plein effort total et donc que ça doit pouvoir aller au bout comme ça. Mais voilà en sortie de ce pierrier, je prends un verre au ravito et j’entends “Le second arrive”. A cette annonce, aucune déception encore, il est tout simplement plus fort s’il rentre alors que je donne tout. Je repars quand même au plus vite, il me rattrape 500m plus loin je l’épaule quelques mètres puis marche quand lui continue de courir, puis je recours quand il marche ce qui fait un effet yoyo me laissant espérer boucher les 50m qui nous séparent. Mais ces 50m vont devenir 60m, 70m, 80m, etc...pour au final le voir arriver au loin devant moi, une petite minute en temps seulement. Rageant, mais en même temps qu’aurais-je fait de plus? Je me sens impuissant face à cette question, j’ai l’impression d’avoir tout donné, que le mental n’a pas failli, mais simplement que mes muscles étaient à leur limite sur cet effort atypique que je ne pratique jamais. Il aurait donc fallu que je devienne un coureur traileur pour gagner sur cette montée atypique en triathlon. Bien trop spécifique pour moi qui ne cours jamais dans les montagnes. Finalement quelle aventure cet Alpsman. Même avec cette pointe de regret je me suis amusé à faire mon plein effort dans ce lieu magnifique auprès de l’organisation qui est tellement humaine, sympathique et passionnée. A refaire? Mes jambes me disent “Non, qu’elles ne sont pas faites pour cette montée finale”. Mon coeur me dit “Oui”...
Une fois n’est pas coutume, aujourd’hui c’est deux pour le prix d’un, j'enchaîne donc sur le Frenchman XXL (3800m de natation, 180 kms de vélo puis 42 kms à pied) le samedi suivant. J’ai 6 jours pour me refaire une santé. 3 cryo et quelques sorties récup cool plus tard je suis sur la plage de Piqueyrot à 8h le samedi 2 Octobre. Le vent de face vient me caresser les joues, ça va être une natation musclée. Point positif : on ne va pas s’ennuyer. Point négatif : on va passer plus de temps dans l’eau.
Le pistolet du départ fait feu, on court tous comme des fous vers les clapots du bord de l’eau qui vont se transformer en bonne petite vaguelettes un peu plus loin. Ici, difficile de poser sa nage. Certaines vagues prises de côté nous cassent le mouvement de bras, d’autres nous empêchent de voir devant nous pour nous diriger tandis que certaines nous offrent tout simplement une petite tasse d’eau surprise au moment de respirer. Malgré celà, je me concentre pour poser ma nage dans ces montagnes russes aquatiques. C’est très important et je sens que j’avance mieux lorsque je ne me bat pas contre les vagues mais plutôt que je les laisse me brasser et fais mon truc. La longue ligne droite de 3 kms qui nous emmène vers le chenal pour entrer dans le port est avalée, non pas rapidement, mais sans moment d’ennui. Une fois dans le port, à l’abri des tumultes, vous allez rire mais on s’ennuierait presque! Sortie de l’eau, je check ma montre et voit un 59’, bien dégueu comme temps, j’avais fait 1h ici sur mon premier Ironman alors que je nageais comme une enclume. Je me concentre sur ma place, je suis 4ème, les autres ont donc aussi nagé moins vite avec ces conditions chahutées.
Départ vélo, c’est la partie que je ne veux pas rater. Mais cette fois je veux prendre mon temps à vélo, gérer un maximum pour pouvoir courir comme il faut mon marathon. Je me suis mis cet Ironman en tête seulement un mois avant cette course. Et quand j’ai pensé à ce que je pourrais y faire je me suis tout de suite dit qu’il ne fallait pas revenir sur la distance pour refaire la même chose que lors des 9 fois précédentes. Ainsi je voulais refaire un Ironman sans chercher à me placer ou à remonter à vélo. Je voulais venir ici pour prendre mon temps, avancer sur le vélo en pensant au marathon et non en pensant à des places à prendre au classement. j’adopte donc un train de sénateur sur les 40 premiers kilomètres. Un gars me suis sans jamais passer mais en restant réglo. Ça me va. On me double ensuite et je reste au contact à 12 ou 15 mètres. La moto arbitre fait son job en nous accompagnant parfois, ça roule réglo, c’est très bien. Je me dis parfois “N’allez pas plus vite, je ne veux pas bourriner à vélo aujourd’hui!” Mais en même temps ça me ferait mal de les laisser partir pour me retrouver seul. Arrive le 110ème kilomètre, je sens que les ailes commencent à se plier. Pas les miennes, mais celles des concurrents autour. Je passe devant en me disant que je vais y aller sur mon train de sénateur et qu’ils passeront ensuite quand ils voudront accélérer. Mais voilà personne ne passe, signe que leurs jambes doivent commencer à être dures. Je me bat alors contre mon cerveau et mes habitudes. Petit extrait du discours interne : “Il reste 1h de vélo, si tu appuies un peu tu peux gratter du temps devant et lâcher ton groupe... Oui mais penses au marathon derrière… Oui mais tu sens tes jambes, il en reste bien assez pour appuyer un peu plus sur le final du vélo… Oui mais je suis là pour courir un bon marathon avant tout…” Je vous passe les insultes internes à moi-même mais j’aurais réussi à contenir ma fougue et rester sur le même tempo jusqu’au bout sans coup d’éclat ou de folie. Deux concurrents nous auront rejoint sur ce final pour monter l’effectif de notre petit groupe à 5 à T2. On verra où on en est à pied lors des premiers demi-tour.
Lorsque je descends du vélo, c’est un vrai bonheur! Je rebondis pied nu sur l’herbe, c’est léger, mes jambes ne demandent qu’à partir, c’est parti! Ah non il faut mettre ses chaussures avant et donc retrouver son sac T2 sur les rac qui ont changé de place et d’orientation, donc très compliqué de trouver son sac, les bénévoles ne sont pas mieux que nous pour trouver ce fichu sac N° 36. J’y perd une bonne demi-minute. Pas cool. Je pars enfin avec le public qui me booste, je pars vite pendant 500m et me calme vite aussi, c’est trop facile de gâcher son marathon sur le premier 10 kms, je me mets donc dans une certaine zone de confort à la sensation. Ma montre indique 4’05/km. C’est un peu rapide par rapport à ma cible de 4’15 mais la foulée n’est pas heurtée et j’arrive à être très relaxé, j’arrête donc de regarder trop la montre et me concentre sur l’économie d’énergie que je dois garder au moins tout le premier semi. La course ne commence réellement qu’au 20/25ème et je veux arriver à ce moment là dans le même état que celui dans lequel je suis actuellement. Un tour passe, ok, second tour, l’état ne s’est pas dégradé. j’ai entre-temps doublé le second qui était passé 3ème et je semble rentrer sur le second. Chris m’en informe au 22ème, je lui dit que la course ne commence que maintenant, il acquiesce lui qui est un habitué des très bons marathons sur Ironman. Je suis déçu qu’il ait dû abandonner, c’est un mec solide sur IM. Le seconde est repris au 25ème et surtout mon état physique est toujours le même! Pour fêter ce dernier dépassement de la journée (le premier est à 10’) je me permet de délier ma foulée et accélère 500m, je sens que ça va plus vite mais que ça ne heurte toujours pas mes muscles. Ok c’est bien mais restons prudent...à quelle moment ça va me lâcher? Je regarde ma montre qui m’indique 4’02/km. J’ai donc accéléré sur ce 3ème tour où c’est censé commencer à être la guerre interne! J’attaque le 4ème et dernier tour gonflé à bloc! Ah bah voilà, ça commence à piquer dans les cuisses! Au 32ème je sens les muscles se tétanisés quelques micro secondes à chaque foulée. Rien de très prononcé mais ça peut, à terme, vraiment m’empêcher de courir de façon fluide et efficace. J’avance toujours, les dents se resserrent, le combat commence. Mais voilà j’oublie mon combat au 35ème kilomètre quand je passe au ravito dans une ambiance folle sur un YMCA qui, je ne sais pas pourquoi, me donne envie de danser dessus. Je m’exécute, je m’amuse on est là pour ça, je fais rire quelques spectateurs et bénévoles, c’est tout bon! Je suis sorti de ma zone noire de douleur quelques instants et je n’ai pas perdu de temps, j’ai continué d’avancer. La force du mental sur le corps est bien plus puissante qu’on ne l’imagine. Je vais enfin chercher ce dernier checkpoint, demi-tour et “on rentre à la maison”. Denis Chevrot, que j’ai eu la bonne surprise de voir sur le bas-côté en spectateur, me dit que c’est ça sent bon la fin. Je le remercie et lui dit qu’en effet ça commence à sentir la maison. Je cours toujours à fond même si ça fait de plus en plus mal. C’est maintenant ou jamais si je veux finir ce marathon en moins de 2h45. devant c’est loin, derrière aussi. Mais mon challenge était de venir courir un gros marathon ici même, je suis en passe de le réaliser alors je n’ai plus rien d’autre à penser que courir à bloc jusqu’à la fin. L’allure moyenne passe en 4’/km tout pile sur ce dernier tour, j’ai encore accéléré, j’ai mal partout jusqu’à...la délivrance, c’est terminé au bout de cette finish line. Benjamin Sanson m’accueille avec une patate d’enfer. Il est au moins aussi heureux que moi, ça me touche énormément. Romain Forel, le speaker, est également enjoué, on discute au micro et je sens ce lien amical qui me fait me sentir comme à la maison sur ce Frenchman d’Hourtin. 8h27 sur Ironman pour mon 10ème. Celui où j’ai voulu prendre mon temps tout au long de la journée. Celui que je refaisais pour refaire la distance mais sans ambition de classement. Un bonheur qui n’a d’égal que le mal aux jambes que j’ai depuis 2 jours! Ça se mérite!
Je termine donc 2021 sur cette note pleine d’optimisme et me tourne vers 2022, année qui me verra prendre le statut PRO sur Ironman pour vivre encore, je l’espère, de belles aventures!